Étude scientifique sur la diversité d'une espèce lors de la fragmentation de son habitat

Des chercheurs ont travaillé sur les effets de la fragmentation de l'habitat causé par l'Homme et la diversité génétique du Troglodyte du Yucatan (Campylorhynchus yucatanicus, groupe des Oiseaux), espèce menacée et endémique (on ne la trouve qu'à cet endroit), dans la péninsule du Yucatan, au Mexique. Quatorze sites ont été identifiés pour échantillonner cet Oiseau classé "quasi menacé" à l'époque où l'étude a été réalisée, en 2015 et 2016 (publiée en 2022).

Les quatorze sites identifiés pour échantillonner Campylorhynchus yucatanicus dans le nord-ouest et la pointe centrale de la péninsule du Yucatan, au Mexique

Afin de localiser les individus à échantillonner potentiellement sur chaque site, les chercheurs ont parcouru pendant trois jours, de 7 heures à 11 heures et de 16 heures à 19 heures, des transects (itinéraires) de longueur variable (de 1 à 5 km), en fonction de l'étendue de la végétation favorable à l'espèce. Au total, 1 077,58 km où l'espèce pouvait être trouvée ont été parcourus (somme de tous les transects de 1 à 5 km parcourus par les chercheurs). Si les chercheurs n'entendaient pas cet Oiseau, ils avaient à leur dispositions des vocalisations issues du site xeno-canto.org.

Lorsque des individus étaient entendus en train de produire des vocalisations, deux filets adjacents de 12 m sur 3 m avec une maille de 2,5 cm étaient installés. Après avoir capturé un ou plusieurs individus et pris les données nécessaires, une prise de sang était réalisée (2–3 μL prélevés dans la veine brachiale) et les Oiseaux étaient relâchés s'ils ne perdaient pas de sang. Puis la recherche d'un nouvel individu le long du transect se poursuivait. Il fallait absolument se déplacer car, cette espèce étant territoriale, l'installation des filets dans un seul endroit aurait probablement entraîné la capture répétée des mêmes individus.

Chaque individu capturé a été marqué par des bandes colorées posées au niveau de leur pattes pour éviter les recaptures. Une fois le sang recueilli, les tubes étaient conservés à − 20 °C jusqu'à leur traitement en laboratoire : une PCR (amplification en chaîne par polymérase) de l'ADN de ces Oiseaux était réalisée pour chaque tube. 

Les quatorze sites ont été identifiés grâce aux images satellitales de Sentinel 2 (avec une précision de l'ordre de 20 mètres) et classés en quatre catégories (selon la végétation de ces sites) :

• habitat adéquat conservé. Ce sont des fragments conservés de la forêt de broussailles épineuses côtières et de la végétation de dunes ;
  
• habitat perturbé. Cela correspond à des bâtiments, des routes et des zones de sol nu en raison de la déforestation ;
• habitat inadéquat. Le Troglodyte du Yucatan n'a jamais été décrit comme étant observé dans ces fragments ;
• habitat avec une végétation apportée par l'Homme. Une végétation d'épineux, naturellement présente, mais soumise à différentes activités humaines (ex. : les utilisations avec le bétail).

Les résultats et leurs interprétations

186 Oiseaux ont été attrapés, mais 130 ont été retenus (ex. : les jeunes attrapés en présence d'adultes ont été écartés, car si c'étaient leurs parents qui avaient été attrapés, ils auraient faussé les données à cause de leur proximité génétique). 

Le classeur "Troglodyte_Yucatan" comporte plusieurs feuilles.

1. Feuille "Diversité génétique"

Voici les données par site : taille de l'échantillon (N), richesse allélique (Na), indice de consanguinité (F), indice de diversité de Shannon (I), hétérozygotie attendue (He) et erreur standard (SE).

2. Feuille "Diversité population"

Quatre sous-populations ont été identifiées grâce à des modèles mathématiques utilisés par les chercheurs. 

Carte des quatre sous-populations de Troglodyte du Yucatan identifiées
Quatre couleurs et quatre symboles distincts représentent une population génétique différente ("sous-population") de Campylorhynchus yucatanicus.

La feuille du classeur présente les données de ces quatre sous-populations. 
Grâce à ces données et à plusieurs modèles mathématiques, les chercheurs ont pu remonter dans le temps et dire qu'il existait une population ancestrale d'une taille effective de 44 397 individus (indice de confiance IC à 95 % = 15 075,1–94 751,9), que celle-ci a beaucoup diminué, atteignant 1 293 individus (IC à 95 % = 363,5–3 053,45) il y a environ 7 829 ans (IC à 95 % = 2 218,14–18 108) ; en supposant une durée de génération de deux ans entre la naissance d'un nouvel Oiseau et le moment où il peut se reproduire à son tour.

Ces quatre sous-populations  sont génétiquement diverses et différenciées par l'isolement. Cela était probablement favorisé par la fragmentation de l'habitat, principalement due aux activités humaines. Les échanges entre les populations au moment de la reproduction semblent limités par la perte d'habitat, favorisant une forte diminution des déplacements des individus le long de la côte.

3. Feuille "Paysages et diversité"

Elle consigne des données en fonction des quatre types de paysages, pour voir si la fragmentation a bien un effet sur la diversité génétique de cette population.